La vieille femme et sa jolie fille
Une vieille femme avait une jolie fille qu’elle ne voulait pas donner en mariage. Alors à tout prétendant, elle donnait une seule condition : Celui qui épouse ma fille doit accepter d’être enseveli avec moi le jour de ma mort.
Les hommes se disaient qu’elle était vieille et qu’elle ne tarderait pas à mourir. Qui voudrait se faire enterrer pour une jeune fille, si belle soit-elle ?
La fille attendit en vain, aucun homme ne voulait l’épouser sous cette condition. Enfin, leur domestique accepta la condition et l’épousa.
Peu de temps après, la mère mourut. Les gens apprêtèrent la tombe et attendaient le mari qui était sorti.
Un émissaire fut envoyé pour donner la nouvelle au pauvre homme. Il se mit en route immédiatement vers le cimetière. Il venait pour se faire enterrer avec sa belle-mère comme promis.
En cours de route, il rencontra la tortue. Elle lui demanda :
-Où vas-tu si vite, l’air si triste ?
-J’ai épousé une très belle fille en acceptant la condition d’être enseveli avec sa mère. Puisqu’elle est morte, je m’en vais de ce pas accomplir ma promesse.
-Laisse-moi t’accompagner.
Chemin faisant, ils rencontrèrent le margouillat qui leur posa la même question que la tortue avait posée. L’homme lui raconta son malheur et l’animal se proposa de les accompagner aussi.
Quand ils s’approchèrent de la tombe, la tortue entra dans la tombe et le margouillat monta sur l’arbre.
L’homme seul se dirigea vers la tombe comme promis. Il descendit dans le trou et se coucha auprès du corps de sa belle-mère.
Au moment où les gens voulaient mettre de la terre, ils entendirent une voix dire :
-Moi la terre, moi la terre, depuis que j’ai existé, je n’ai jamais vu enterrer un mort et un vivant.
Du haut d’un arbre, une autre voix ajouta :
-Moi, le ciel, moi, le ciel, depuis que j’ai existé, je n’ai jamais vu enterrer un mort et un vivant. Si vous le faites aujourd’hui, je tomberai sur vous et vous mourrez tous.
Ainsi, les gens avaient pris peur. Ils firent sortir l’homme de la tombe. On enterra la vieille femme seule.
Il rentra au village vivre avec sa femme.
Nicaise Tochem
Sou et Bour-le-Varan
Par une belle matinée ensoleillée, Sou se rendit chez son amie Gouman-la-Guêpe-maçonne. C’était à l’approche des moments des crues. Ils partirent en randonnée dans la plaine.
Assez loin de leur village, ils découvrirent un grand figuier, aux belles feuilles portant des fruits bien mûrs et juteux. Ils montèrent sur l’arbre et s’installèrent sur les branches tranquillement. Chacun dégustait les fruits, confortablement assis sur une branche.
La guêpe maçonne plus prudente leva les yeux, regarda au loin et vit l’eau qui avançait. Elle cria :
-Sou, partons d’ici. Bientôt, la plaine sera inondée.
-Les fruits sont très bons, mangeons-en encore un peu. Moi, je ne vois rien, nous avons le temps. Dit Sou, la bouche pleine.
La guêpe maçonne, inquiète, ne mangeait plus beaucoup. Elle surveillait la crue et de temps en temps demandait à son ami de décider de partir. Mais il ne l’écoutait pas. L’eau arriva au pied de l’arbre, puis monta petit à petit vers les branches. Ne sachant que faire, la guêpe maçonne dit à Sou:
« Je m’en vais ».
Alors, notre gourmand baissa le regard et vit le danger. Il ne savait pas nager. Si son amie s’envolait, il allait se noyer à coup sûr. Il la supplia de le prendre avec elle. Ne pouvant pas l’abandonner, elle lui demanda de s’accrocher à sa hanche et ils s’envolèrent.
La hanche de la guêpe maçonne est bien mince et elle ne pouvait aller bien loin. Dès qu’elle aperçut un petit monticule qui n’était pas encore sous l’eau, il y lâcha son compagnon et s’en alla.
Sou ne savait que faire. Il tournait en rond et découvrit qu’il était devant la demeure de Bour.
Comment allait-il se faire accepter chez lui jusqu’aux retraits des crues ? Une idée lui vint : il se fera le neveu de ce reptile. Oui, il se ferait le fils de la sœur de Bour qui venait faire sa connaissance. Il était bien content d’avoir eu cette belle idée. Un oncle maternel doit bien recevoir son neveu.
Il alla fièrement se présenter à l’entrée de la concession. Un enfant le conduisit auprès du maître de la maison, assis à l’ombre, entouré des autres enfants et de sa femme. On le reçut en lui offrant de l’eau fraîche à boire, puis un repas copieux fut préparé pour lui.
Il était temps de lui trouver une case pour dormir. Mais où ? La seule case non occupée par les enfants abritait les œufs de Bour. Aux moments des crues, on ne s’attendait pas à recevoir un hôte de marque, surtout un neveu.
Sou qui avait suivi toute la conversation de la famille leur dit qu’il ne voyait pas de mal à dormir dans la case où se trouvaient les œufs, qui d’autre pouvait mieux garder ces trésors qui contenaient ses cousins. L’idée parut excellente à Bour qui ordonna qu’on l’y installe.
Tout le monde avait regagné sa case pour dormir.
L’étranger sortit et demanda du feu parce qu’il avait froid. Un enfant le lui apporta. A peine l’enfant tourna ses talons qu’il le rappelle pour lui demander une poêle afin de lui permettre de mieux se réchauffer. On apporta la poêle et il demanda un peu d’huile pour s’enduire le corps et mieux protéger sa peau et sa main quand il va l’appliquer sur la poêle pour réchauffer son corps.
Au beau milieu de la nuit, on entendit un bruit comme si quelqu’un mettait quelque chose dans de l’huile bien chaude.
-Neveu, que se passe-t-il ? Demanda Bour depuis sa case.
-Ce n’est rien, oncle Nana-Bour-dje, je suis très enrhumé et c’est ma morve qui tombe au feu quand je souffle pour le ranimer.
Bour ne dit rien, mais il n’était pas tranquille. Il décida de compter ses œufs chaque matin. Il appela un de ses enfants pour aller les chercher. Mais Sou se fit volontaire pour la corvée.
-Les enfants ne sont jamais assez prudents. Ils vont les casser. Moi-même, je vais aller les chercher, un œuf à la fois, pour être sûr qu’il ne se casse pas.
Sou faisait cet exercice chaque matin jusqu’à ce que Bour compte le nombre exact de ses œufs. Ainsi, ayant gagné la confiance de son oncle, il mangeait chaque nuit un œuf. Quand il n’en resta plus qu’un seul, il annonça son départ. Ses hôtes voulurent le retenir encore une nuit, mais il leur expliqua qu’il ne pourrait plus passer une seule nuit de plus. Les gens de son village s’inquiéteraient pour lui. Il ne leur avait pas dit qu’il partirait pour si longtemps, leur expliqua-t-il.
Sou fit ses adieux et promit qu’il allait revenir bientôt pour une autre visite.
Bour appela To-lel-mbadjé le piroguier et lui donna des instructions pour la traversée. Il les accompagna au bord de l’eau, s’assura que son neveu était bien installé dans la pirogue et que l’enfant avait bien commencé son travail.
Il rentra et se dirigea tout droit vers la case qu’avait occupée Sou. Il en ressortit en courant et alla au bord de l’eau :
- To-lel-mbadjé, jette Sou à l’eau car il a mangé tous mes œufs!
L’enfant qui était dur d’oreille demanda à son père de répéter ce qu’il avait dit, et Sou lui dit :
-Nana-Bourd-djé te demande de ramer plus vite, car la nuit tombe.
Et To-lel-mbadjé rama de plus belle. Bour cria encore plus fort, mais rien n’y fit. L’étranger lui répétait qu’il fallait aller plus vite. Sou atteint l’autre rive sain et sauf.
Bour rentra chez lui le coeur plein de chagrin. Il se retira dans sa case et médita longtemps sur sa mésaventure. Il s’était laissé tromper mais il ne se déclara pas vaincu.
Après quelques jours de tristesse, il prit la décision de reprendre ses œufs de ce voleur et gourmand de Sou.
Un matin, il demanda à sa femme de prendre un peu de sésame, de le griller et de le piler. La femme obéit sans demander des explications. Bour se coucha dans le mortier et lui dit de bien le piler en y ajoutant la farine de sésame, de faire des boulettes et d’en faire une bonne sauce. Ensuite, une boule de petit mil, nouvellement récolté ayant encore toute sa saveur et son arôme, devait accompagner le tout.
-Quand tu auras fini de préparer ce repas donne-le à un des enfants. Dis-lui de le porter chez Sou et d’insister qu’il le mange seul.
La femme écouta tranquillement son mari et fit tout ce qu’il a ordonné.
La fille de Bour arriva chez Sou qui sentait déjà la bonne odeur du sésame grillé. Il appela ses filles
-Takié, Tagueur, sortez vite. Bêtes que vous êtes ! Accueillez ma cousine. Déchargez-la de son colis.
L’une des filles prit le repas qu’il déposa devant son père. L’envoyée s’accroupit à côté de sou pour lui répéter la recommandation de son père. Sou, très content de ce qu’il venait d’entendre, éleva la voix :
-Avez-vous entendu ? Oncle Nana-Bour-djé a bien dit que je dois manger ce repas seul.
Le connaissant, sa femme et ses enfants ne dirent rien.
Il se mit dans un coin et mangea tout le repas seul. On lui étala une natte sous l’ombre d’un arbre et il commença sa sieste.
Un instant après, il sentit quelque chose bouger dans son ventre, puis entendit une voix :
« Sou, Sou, rends-moi mes œufs sinon je te déchirerais le ventre. Sou, Sou, rends-moi mes œufs sinon je te déchirerais le ventre ».
Sou tendit les oreilles puis ordonna que tout le monde se taise. Il entendit distinctement :
« Sou, Sou, rends-moi mes œufs, sinon je te déchirerais le ventre. Sou, Sou, rends-moi mes œufs, sinon je te déchirerais le ventre ».
Bour ayant compris ce qui lui arrivait, se leva et courut précipitamment hors du village; il fallait affronter la honte hors du regard de sa famille.
Il s’accroupit et chaque fois que Bour se retourna dans son ventre et répéta sa phrase, Sou vomissait un œuf.
Il avait mangé tous les morceaux tout seul, alors Bour s’était reconstitué entièrement. Il se tournait les intestins de son fameux neveu.
Bour fit vomir tous les œufs que le voleur avait mangés. Il sortit du ventre de Sou, prit ce qui lui appartient et s’en alla.
Sou rentra chez lui et n’osa pas raconter ce qu’il venait de subir à sa famille.
Le lendemain, il appela sa femme et lui demanda de griller du sésame et de le réduire en poudre. Celle-ci voudrait bien savoir ce qu’elle pouvait bien faire avec cela, ils n’ont ni viande ni poisson à la maison.
-Cela ne te regarde pas. Fais ce que je dis.
Quand elle finit de préparer le sésame, Sou se mit dans le mortier et donna des instructions :
-Tu vas bien me piler en y ajoutant la poudre de sésame, tu prépareras une bonne sauce accompagnée d’une très bonne boule de petit mil. Tu enverras une de nos filles porter le repas à Bour. Elle devra insister qu’il mange ce repas seul.
Au premier coup pilon sur la tête, il cria :
-Non, non, non, commence plutôt par le dos. J’ai mal.
Un coup sur le dos.
-Non, non, non, commence par les pieds.
Un coup sur les pieds et il fallait recommencer par la tête.
En fin de compte, elle ne pouvait pas le piler. Sou se mit dans la cuvette en entier et sa femme le saupoudra de la poudre de sésame. Elle prépara le repas et l’envoya à Bour par l’une des filles. Elle prit le soin de lui dire de transmettre fidèlement la recommandation de sou : Bour devrait manger le repas seul.
La jeune fille fit ce que sa mère lui avait dit. Le reptile la remercia. Il prit la boule, lui dit d’aller poser la cuvette contenant la sauce au soleil et de partir.
Le soleil était haut dans le ciel, la chaleur était forte. L’huile de sésame aidant, la chaleur brûlait la peau de Sou. Il comprit le jeu de Bour, sauta de la cuvette et détala. Il rentra chez lui tout honteux.
On paie toujours le mal qu’on fait.
Deborah Melom Ndjerareou
Le lion et l’hyène
Autrefois, le lion et l’hyène vivaient ensemble. Ils avaient un bœuf et une vache. Le bœuf appartenait au lion et la vache à l’hyène.
Un jour, la vache mit bas. Le lion, jaloux, se réclamait propriétaire du veau. Il dit à l’hyène :
-Mon bœuf a mis bas un veau.
-Non, non c’est ma vache. Ton bœuf n’est pas une femelle. Répondit l’hyène.
Comme le lion est le roi des animaux, il les convoqua tous pour un procès. Au jour indiqué, tout le monde était présent, sauf le lièvre.
Le lion les interrogea un à un. Chacun répondit : « C’est le bœuf du roi qui a mis bas ».
Le lièvre apparut enfin, l’air essoufflé. Le lion se mit en colère et lui demanda s’il n’avait pas entendu que tous les animaux étaient convoqués ?
-Si ! Répondit le lièvre.
-Et alors ? Dit le lion.
-Au moment où je m’apprêtais à venir, mon père accoucha. Il fallait chauffer de l’eau pour sa toilette. Voilà pourquoi je suis en retard.
Le lion éclata de rire.
-Tu es fou ! Ton père est-il une femme pour accoucher ?
-Comme votre bœuf a mis au monde un veau, il est possible à un homme d’accoucher, Sa Majesté.
Tous les animaux éclatèrent de rire et s’écrièrent : « le lièvre a raison, le lièvre a raison ». C’est ainsi que l’hyène gagna le procès
Opportune Mingabeye
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