Les Afro-Turcs

Qui est l’un des premiers pilotes de chasse noirs ? La réponse est Ahmet Ali Çelikten, un Afro-Turc qui a combattu pendant la Première Guerre Mondiale en 1914 pour l’Empire ottoman. Ce personnage historique, qui aurait dû être plus connu dans le monde, ouvre la voie à un débat sur qui sont les Afro-Turcs et quelle est leur place dans la société turque moderne. On n’écrit pas assez sur cette communauté, ce qui maintient leur contribution au monde dans l’ombre.

Au XIXe siècle, sous l’Empire ottoman, la traite négrière a amené des Africains du Kenya, du Niger, de la Libye et d’Éthiopie vers ce que nous connaissons aujourd’hui comme la Turquie. Certains esclaves travaillaient dans des champs et d’autres au service de familles aristocrates. Un aspect notable de l’esclavage dans l’Empire ottoman était que certains esclaves étaient affectés à des postes et bénéficiaient d’une certaine influence politique à Constantinople (aujourd’hui Istanbul). Plusieurs esclaves étaient des eunuques et des gardes travaillant dans des palais et d’autres occupaient des postes dans les forces armées ottomanes.

En 1924, le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, a promulgué une loi visant à garantir l’égalité des citoyens à tous, libérant ainsi tous les esclaves amenés d’Afrique. Dans tout l’empire et la République de Turquie, les Afro-Turcs ont joué un rôle dans différents domaines tels que l’éducation, la politique et la culture. Tout comme Ahmet Ali Çelikten, d’autres personne telles que Zenci Musa ont été des personnages clés des forces spéciales ottomanes pendant la Première Guerre Mondiale. Ces deux hommes restent un élément crucial de l’histoire turque, apportant de la fierté à la communauté afro-turque. Dans monde de la culture, Safiye Ayla  est un nom reconnu de la musique classique turque. Afro-turque née à Istanbul et élevée en partie dans un orphelinat, elle fut professeur de musique avant de devenir célèbre en tant que chanteuse. Elle a fusionné poésie et mélodie pour créer des sons qui ont résonné auprès de son public turc pendant des générations.

Aujourd’hui, dans la ville d’Izmir, au bord de la mer Égée, se trouve les communautés afro-turques qui continuent de s’épanouir. Mustapha Olpak est un écrivain et activiste dont les racines remontent au Kenya, où ses ancêtres ont été emmenés. Il est l’auteur de Kenya-Girit-Istanbul un livre sur sa saga familiale, son parcours de vie et la perte de culture et d’identité des Afro-Turcs d’aujourd’hui. Pour attirer davantage l’attention sur cette communauté et la relier à sa culture, Mustafa Olpak a fondé la Fondation Afro-Turque en 2006 à Izmir. La création de l’organisation a remis en lumière les contributions des Afro-Turcs et a poussé à une plus grande reconnaissance de la part du gouvernement turc. Son organisation a également collaboré avec de grandes organisations telles que l’UNESCO, créant ainsi davantage de connaissances internationales au sein de leur communauté.

L’organisation organise également des activités visant à informer les Afro-Turcs sur leurs origines, leurs langues ancestrales, leur culture, leur cuisine et leurs croyances. Elle organise chaque année le Dana Bayrami (Fête du veau) qui est une fête originaire d’Afrique, arrivée avec les esclaves dans l’Empire ottoman. Aujourd’hui, la fête célèbre la vie des Afro-Turcs et leurs contributions à la société, et leur permet de renouer avec leurs racines historiques.

Certains affirment que l’augmentation de la visibilité de la communauté afro-turque au cours des dernières décennies est liée à l’essor des sujets liés aux communautés de descendance africaine  dans le monde et à l’intérêt croissant de la Turquie pour le continent africain. Ankara a noué des partenariats bilatéraux avec les pays africains et a créé des échanges éducatifs, culturels et commerciaux. Par exemple, des étudiants de toute l’Afrique bénéficient de bourses d’études en Turquie. On constate également une augmentation du nombre de citoyens turcs vivant en Afrique et investissant dans différents secteurs. Plusieurs pays ont des écoles nationales turques dans leurs capitales qui proposent des programmes d’études transnationaux.

Il est important d’accroître la connaissance et la visibilité des Afro-Turcs pour renforcer les partenariats entre la République de Turquie et les pays africains. La compréhension de l’histoire de l’esclavage et des Africains amenés dans l’Empire ottoman fait également partie de l’histoire africaine qui mérite une plus grande attention de la part des Africains.

Par Deborah M Ndjerareou

Photo: Pinterest

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