En parcourant certaines régions du monde, la curiosité des enfants à propos de la couleur de ma peau est toujours une occasion de partager ma culture.
En 2014, lors d’un trajet entre Antananarivo, la capitale animée de Madagascar, à Antsirabe, une autre ville, j’ai voyagé dans un minibus avec ma famille d’accueil et une autre famille malgache. Pendant le trajet, j’étais assise à côté d’une petite fille qui a discuté avec moi tout du long. Elle m’a posé de nombreuses questions pour savoir si j’aimais ceci ou cela, tout en partageant des croquettes avec moi. Au bout d’une heure environ, elle avait l’air fatiguée et s’apprêtait à s’endormir, mais pas avant de me demander : « Pourquoi ta peau est-elle si foncée ? » Cette question était accompagnée du plus doux des sourires. Je lui ai rendu son sourire, sans trop savoir comment répondre. Après une courte pause, alors qu’elle continuait de me fixer, j’ai dit : « Parce que je passe trop de temps au soleil. » Elle s’est blottie contre mon bras et s’est lentement endormie.
Lors d’un autre voyage, plus récent, en Argentine, j’ai rendu visite à une amie de longue date que je n’avais pas vue depuis plus de dix ans. Après être venue me chercher à la gare routière, nous sommes allées ensemble récupérer sa petite fille de trois ans, que je devais rencontrer pour la première fois, à la garderie. En chemin, mon amie m’a confié que sa fille n’avait jamais été en contact avec une personne à la peau noire, et qu’elle risquait donc de me fixer ou de poser des questions. Mais tout s’est déroulé naturellement : la petite m’a dit bonjour, m’a fait un câlin et nous a raconté sa journée. Une fois rentrées à la maison, elle m’a emmenée dans sa chambre pour me montrer ses jouets, et nous avons bavardé.
Le fait que des enfants fixent ma peau, touchent mes cheveux ou posent des questions m’est arrivé dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, en Italie, pour ne citer que ces endroits. Ils étaient curieux, voulaient comprendre, s’approchaient avec bienveillance, posaient leurs questions ou restaient simplement silencieux.
Dans tous ces exemples, le fil conducteur est l’innocence des enfants, qui apprennent naturellement à accepter les gens, quels qu’ils soient et quelle que soit leur apparence. Ils ne pensent autrement que si on leur apprend à le faire. J’ai appris à accueillir ces questions, afin que, lorsqu’elles sont posées, elles deviennent une occasion de partager qui nous sommes en tant que communautés africaines ou afrodescendantes à l’étranger. C’est une chance de montrer la diversité et de leur offrir une autre vision du monde. S’il n’y a personne pour leur inculquer la discrimination, les enfants grandiront avec cette acceptation et la porteront tout au long de leur vie, contribuant à faire du monde un endroit plus accueillant.
Cette année, en préparant un voyage à travers l’Asie du Sud-Est, où je passerai du temps auprès de différentes communautés, je m’attends à retrouver cette curiosité de la part de ces âmes innocentes. Je me demande si ma réponse fera encore référence au soleil ou si j’en trouverai une autre. Quoi qu’il en soit, je sais que je pourrai transformer ces instants en occasions de bâtir des ponts culturels. Les enfants sont la porte d’entrée vers la compréhension du monde à laquelle nous aspirons; cette compréhension qui pourrait conduire à la presque impossible paix universelle.
Deborah Melom Ndjerareou
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