Écrivain tchadiens – Entre mots et représentation

La littérature occupe une place essentielle dans le développement mondial. À travers les mots, les récits et la sagesse, les écrivains façonnent les réflexions et se posent en gardiens de la pensée. En Afrique, la littérature tchadienne n’est pas aussi connue qu’elle devrait l’être au-delà de l’Afrique centrale.

Ce pays sahélien semi-désertique est une terre d’histoires qui ont marqué à la fois son passé et son présent. Les traditions orales ont transmis les contes de génération en génération, tandis que les œuvres écrites se sont multipliées au fil du temps. Des auteurs classiques tels que Baba Moustapha, Joseph Brahim Seid et Maoundoé Naindouba aux voix contemporaines comme Nimrod, l’univers littéraire tchadien constitue un riche héritage qui mérite d’être promu et protégé.

Au cours des dernières décennies, on a constaté une modeste augmentation du nombre de jeunes auteurs publiant des livres. Pourtant, dans un monde numérique en constante accélération, il reste difficile de capter l’attention des lecteurs, beaucoup étant attirés par des courts formats.

Cet article met en lumière six auteurs qui ont façonné la littérature tchadienne et l’ont portée à l’international. Leur courage et leur talent ouvrent la voie à une nouvelle génération avide d’écrire et de contribuer au développement littéraire du pays.

Koulsy Lamko

Né à Dadouar, Koulsy Lamko est écrivain, poète et dramaturge, reconnu internationalement pour son approche lyrique de l’écriture. Il a grandi au Tchad avant de s’installer au Burkina Faso en 1983 pour y poursuivre des études en lettres. Dans son pays d’accueil, il s’est profondément investi dans le théâtre et la poésie. Il y a collaboré à un mélange de poèmes et de musique en hommage à Thomas Sankara.

Entre 1998 et 2002, tout en préparant son doctorat à l’Université de Butare au Rwanda, il a fondé le Centre Universitaire des Arts. Il réside aujourd’hui au Mexique, où il enseigne et a créé la Casa R. Hankili África, un centre de résidence pour écrivains africains.

Il est l’auteur de romans et de pièces de théâtre et a produit une multitude d’œuvres littéraires. Ses ouvrages les plus notables comprennent La Phalène des collines (2000), Les Racines du Yucca (2011) et Le Mot dans la rosée (1997). Koulsy fait voyager l’écriture et le récit tchadien à travers les continents, les langues et les cultures.

Priscille Mekoulnodji

Née à Bébidja, dans le sud du Tchad, Priscille Mekoulnodji est linguiste, écrivaine, poète et éducatrice. Elle a achevé ses études secondaires au Tchad avant de poursuivre sa formation en Union Soviétique, au Burkina Faso puis aux États-Unis. Elle a commencé à écrire à la fin des années 1980, publiant deux pièces de théâtre Dana et Henriette et Mardochée le Juif (1980).

Elle a mené une longue carrière dans l’enseignement des langues et le travail humanitaire tout en poursuivant son écriture. Convaincue de l’importance de l’alphabétisation dès le plus jeune âge, elle a ouvert en 1998 à N’Djamena l’école primaire Comer, encore en activité aujourd’hui. Son modèle pédagogique met l’accent sur la maîtrise de la lecture.

Ces dernières décennies, elle a publié Exils Croisés (2016), Les Empreintes de nos Voix (2023) et Les larmes des termites ailées (2025). Puisant dans la tradition orale tchadienne des proverbes, elle a également travaillé à une collection de dictons traditionnels pour enfants, prévue en français et en anglais en 2025.

Sosthène Mbernodji

Depuis 11 ans, sous l’impulsion de Sosthène Mbernodji, N’Djamena accueille le festival Souffle de l’Harmattan, qui promeut la littérature locale et internationale. Créé en 2014, ce festival réunit écrivains, éditeurs, artistes et passionnés pour célébrer l’importance de l’écriture.

Né à Bébalem, Sosthène Mbernodji est écrivain, journaliste et professeur, et a consacré des décennies à la promotion de la littérature tchadienne tant au niveau national qu’international. Il a participé à de nombreux événements littéraires en Afrique et en Europe, représentant le Tchad.

En 2021, il a remporté le prix du Meilleur Promoteur du Livre Africain lors de la Rencontre Internationale du Livre et des Arts Associés (MILA) à Abidjan, Côte d’Ivoire. En 2009, il a créé Café Littéraire, une émission sur la radio nationale FM Liberté, invitant auteurs et intervenants à débattre de thèmes littéraires.

Il milite ardemment pour l’alphabétisation et considère que la lecture et l’écriture doivent occuper une place plus importante dans les programmes scolaires. Parmi ses œuvres notables : Le Fantôme de Nokou (2022), recueil de nouvelles, et Quand souffle naît (2023), retraçant la création du festival.

Noël Flavien Kobdigue (Kar Ka Soon)

Amoureux des mots depuis sa jeunesse, Noël Flavien Kobdigué, également connu sous le nom de Kaar Kaa Sonn, est écrivain, musicien, poète et parolier. Il fut membre du groupe musical Tibesti, célèbre au niveau national. Il est diplômé en droit public, économie et développement international.

Au fil des années, il a publié plusieurs albums et écrit de nombreux romans. Ses ouvrages les plus notables sont Les larmes sèches (2001), Au Sahel les cochons n’ont pas chaud (2006), Avec nos mains de chèvre (2010), Le Prix des Agneaux (2012), E414 (2013) et Grand Remplaçant (2025).

En 2011, il a reçu le prix du Meilleur Roman Tchadien décerné par le ministère de la Culture du Tchad. Désormais basé en France, il organise l’événement annuel Rentrée Littéraire Tchadienne, qui réunit écrivains, poètes, musiciens et dramaturges tchadiens pour promouvoir les arts littéraires du pays à l’international.

L’œuvre de Noël Flavien s’enracine dans les réalités sociales et politiques du Tchad. À la fois auteur et chanteur-compositeur, il fait dialoguer ses textes poétiques et littéraires avec tous ses œuvres.

Marie Christine Koundja

Pionnière parmi les femmes écrivaines tchadiennes, Marie Christine Koundja est née à Iriba en 1957. Elle est à la fois écrivaine et diplomate, ayant servi dans plusieurs ambassades tchadiennes à travers le monde. Après des études au Tchad et au Cameroun, elle commence sa carrière de fonctionnaire à l’ambassade du Tchad au Cameroun.

Ses ouvrages les plus marquants incluent Al-Istifakh, ou, L’idylle de mes amis (2001) et Kam-Ndjaha, la dévoreuse (2009).

Partageant sa carrière entre diplomatie et écriture, elle a contribué à promouvoir la littérature tchadienne à l’échelle mondiale. À travers ses écrits, elle aborde des problématiques sociales freinant la cohésion interculturelle au Tchad et plaide pour une société plus intégrée. Ses romans sont étudiés dans les contextes académiques sur le multiculturalisme en Afrique subsaharienne et les structures sociales nécessaires à la cohésion. Sa voix et sa plume demeurent ses outils pour défendre une société tchadienne meilleure.

Nétonon Noël Ndjékéry

Nétonon Noël Ndjékéry est un maître des mots, reconnu pour ses romans policiers enracinés dans les réalités tchadiennes. Lecteur passionné et amoureux de la langue, il cite souvent l’influence des griots dans son écriture. Il a commencé à composer des poèmes et des nouvelles dès l’adolescence.

Après des études de mathématiques et d’informatique au Tchad, il a travaillé pour diverses entreprises avant de s’installer en Suisse, où il vit et travaille encore aujourd’hui.

Ses ouvrages les plus notables sont Sang de kola (1999), La Descente aux enfers (1993) et L’angle mort du rêve (2024). En 2022, son roman Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis a remporté à la fois le Prix Hors Concours en France et le Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire.

Ndjékéry plonge ses lecteurs dans les paysages historiques, anthropologiques et culturels du Tchad, offrant une compréhension profonde de l’évolution du pays. La reconnaissance internationale de ses œuvres contribue à renforcer l’image de la littérature tchadienne sur la scène mondiale.

Le Tchad, cœur de l’Afrique, a tant d’histoires à raconter. Ces auteurs ont construit un socle littéraire sur lequel s’érigent déjà plusieurs générations, portant les mots tchadiens au-delà des frontières. Le nombre croissant d’auteurs tchadiens témoigne de la volonté de poursuivre la vision de promouvoir notre pays à travers l’art de l’écriture.

Deborah Melom Ndjerareou

Leave a comment

Create a website or blog at WordPress.com

Up ↑