Tchadiennes dans l’action humanitaire- passion et perspective

La Journée Internationale des Femmes reconnue globalement est un moyen de célébrer les femmes et un rappel de leurs droits. Cette date du 08 mars célèbre aussi les contributions des femmes dans le monde à travers divers domaines.
Cette année nous parlons des femmes œuvrant dans l’humanitaire au Tchad et ailleurs. Au niveau mondial, les femmes représentent plus de 50% des travailleurs dans l’action humanitaire. Ce pourcentage toujours en croissance démontre la volonté des femmes à s’engager dans cette carrière qui œuvre pour le bien-être de nos communautés. Dans cet article, trois jeunes femmes tchadiennes et humanitaires partagent leurs parcours, perspectives, passions, les défis auxquels elles font face ainsi que des conseils à l’endroit des autres femmes.


Rimgoto Lucie
Je suis Lucie, je suis dans la mobilisation des ressources pour les programmes de développement et humanitaire. Je ne parlerai pas d’acquisition de ressources sans associer l’engagement auprès des donateurs et les partenariats institutionnels qui facilitent mes interactions avec différents interlocuteurs sur des secteurs variés tels que : la protection de l’enfant, la santé- nutrition, l’eau, l’hygiène et l’assainissement (EHA/WASH), la sécurité alimentaire et la résilience. En bonne casanière, je passe énormément de temps à la lecture et à regarder des documentaires et films en famille. Je pratique également la natation à mes temps libres et je prends un réel plaisir à voyager dans le cadre de mon travail et aussi à titre personnel pour découvrir d’autres contrées et changer d’air.


En ce qui concerne ma formation, je suis diplômée d’un MBA en Gestion de Projets et d’une licence en Sciences Sociales. J’ai véritablement été inspirée par ma mère à faire carrière dans l’humanitaire pour l’avoir vue travailler avec ténacité et amour en faveur des communautés vulnérables jusqu’à sa retraite. Ma seconde motivation à rejoindre le monde humanitaire est ce désir permanent de vouloir apporter du réconfort et de l’assistance aux personnes victimes d’injustices et en souffrance, et je pense avoir trouvé le meilleur moyen d’apporter ma contribution en devenant aussi acteur humanitaire. Mon aventure a débuté par un stage au sein du bureau régional d’une ONG internationale à Dakar, qui a abouti à mon premier contrat, pour ensuite frayer la voie à d’autres opportunités. Mon travail m’a permis de passer un temps considérable en Afrique de l’Ouest et Centrale, mais j’ai également vécu en Afrique de l’Est dans le cadre de mes études universitaires.


Parmi les défis majeurs rencontrés, je citerai entre autres : cette gymnastique perpétuelle de concilier travail et famille. En plus de ma vie professionnelle, je suis une mère et femme au foyer. J’accorde une grande importance au maintien d’un cadre de vie propice à mon bien-être et celui de ma famille en instaurant un équilibre entre mes obligations professionnelles et les moments de qualité passés avec les miens. Cela demande beaucoup de flexibilité, d’organisation personnelle mais surtout d’un soutien indéfectible de mon mari.


Dans certains contextes, pour des pratiques culturelles, être femme est sujet à des restrictions relatives à l’accoutrement (se couvrir convenablement), éviter tout contact ou négociation directe avec les hommes, etc…qui constituent de véritables obstacles à la pleine participation des femmes à l’action humanitaire. Concernant les atouts, nous apportons non seulement de la valeur ajoutée dans les approches et solutions innovantes déployées dans l’assistance fournie mais aussi constituons une véritable source d’inspiration et de motivation pour d’autres femmes à s’engager dans ce milieu.


Mon conseil à l’endroit des femmes est de ne pas se laisser intimider par les préjugés et de se joindre au travail humanitaire qui n’est certes pas une ligne droite sans embûches. Elles doivent au contraire se montrer à la hauteur des défis et viser l’excellence dans la transparence. Ainsi, avec beaucoup de détermination, de persévérance et de passion, elles parviendront à mettre des sourires sur les visages et transformer des vies.


Mianoudji Apoline
Je m’appelle Apoline, je suis actuellement Cheffe d’équipe Administration, Finance et Ressources Humaines au sein d’une ONG internationale à Adré. Nous travaillons dans le cadre de la réponse d’urgence aux réfugiés soudanais. Auparavant, j’ai travaillé dans diverses postes humanitaires à Mongo, Goré et Mao. Dans mes tâches quotidiennes, je soutiens les équipes de programmes humanitaires dans la gestion financière des biens nécessaires pour une bonne mise en œuvre des activités. Je fais aussi une liaison avec des partenaires, fournisseurs locaux et les bénéficiaires.


Diplômée en comptabilité et banque finance, j’ai commencé́ ma carrière professionnelle dans une banque commerciale de la place puis une école française avant de rejoindre le monde humanitaire. J’ai toujours été motivée à travailler dans l’humanitaire et avoir des expériences et compétences techniques pour toucher du doigt les réalités humaines. Cette motivation m’a poussé à suivre des formations pendant mes heures libres pour acquérir les compétences nécessaires pour y parvenir. Après plus de sept ans de travail humanitaire d’urgence, je reste toujours motivé à apporter ma contribution pour le bien être des autres.
Le plus grand avantage pour moi en tant qu’humanitaire c’est l’apprentissage et l’épanouissement. Pendant tout mon parcours jusqu’aujourd’hui, j’apprends constamment de nouvelles connaissances qui me permettent d’évoluer dans mon domaine. L’expérience humanitaire m’a permis de cultiver l’esprit de résilience, patience, et compassion. Ce sont des atouts qui m’aident dans la vie en dehors du travail. Mon appartenance à ce monde me permet aussi de défendre la voix des femmes et d’accroître leur participation humanitaire.


Travailler en tant que femme sur le terrain a des défis que je dois surmonter quotidiennement. Sur le terrain, le domaine est encore dominé par les hommes. Être femme dans ce milieu requiert un courage et un savoir vivre. Je suis une jeune mère et récemment J’ai dû prendre le poste sur un terrain difficile avec un nourrisson. La balance entre vie de famille et les responsabilités du travail est aussi une question préoccupante. Je maintiens cette balance en priorisant la gestion du temps qui me permet de répondre à toute mes responsabilités.


Le carrière humanitaire est un domaine que je recommanderais à toute personne avec une passion pour le développement social. Pour les femmes qui aimeraient rejoindre le monde humanitaire, elles doivent s’armer de courage et ne pas avoir peur de prendre la parole en public pour donner ses idées et contributions tout en respectant les codes de conduite des organisations. Elles doivent être aussi pro active pour grandir professionnellement. Les organisations ont souvent des contrats de durée moyenne, alors il faut faire ses preuves par le travail pour être retenue.


Personnellement, j’aimerais voir une croissance du nombre de femmes dans les postes de responsabilité. Je pense que les organisations essayent de faire le nécessaire pour recruter plus de femmes que nous encourageons leur action en faveur des femmes et j’espère que ceci continuera.


Ndjerareou Deborah
Je m’appelle Deborah, je travaille dans l’humanitaire dans le domaine de l’éducation d’urgence et de la mobilisation de ressources. J’ai toujours été passionnée par les langues, la lecture et les voyages, et je voulais travailler dans un domaine linguistique comme ma mère. Après avoir obtenu une licence en linguistique et traduction en Afrique du Sud, je suis rentrée au Tchad à la quête d’emploi. Une rencontre fortuite m’a menée à un stage d’une année dans une ONG internationale qui recherchait une personne bilingue pour la gestion des subventions. Ce fut ma première entrée dans le monde humanitaire qui m’a exposé et propulsé vers une nouvelle direction. Cette expérience m’a ensuite permis de travailler avec diverses organisations au Tchad ainsi que dans d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient. La traduction et l’interprétariat est devenu une carrière secondaire, tandis que l’humanitaire reste la carrière principale.

L’une de mes motivations dans le monde humanitaire est de voir comment mon travail contribue aux communautés. Nous vivons dans un monde où les inégalités, la gouvernance et la nature créent des difficultés pour de nombreuses personnes. En voyageant à travers des zones difficiles où ces communautés survivent, j’ai constaté l’ampleur des besoins. Dans mon domaine, je parle souvent aux gens, j’écoute leurs histoires et je vois les défis qu’ils rencontrent. Le fait de pouvoir contribuer à l’amélioration de leur situation alimente ma conviction que si nous nous soutenons les uns les autres, nous pouvons créer de meilleures sociétés. Mes meilleurs souvenirs jusque-là sont mon expérience comme gestionnaire d’un programme éducatif dans un camp de réfugiés à l’est du Tchad et l’enseignement des langues dans un camp en Jordanie. Le lien que j’ai créé avec les étudiants et les collègues restera à jamais gravé en moi.


Le principal défi sur le terrain est parfois l’isolement. J’ai travaillé dans des zones reculées pendant de longues périodes, loin de ce qui m’était familier. De plus, travailler en tant que jeune femme dans des régions conservatrices peut poser des problèmes socio-culturels. Il est important de prendre soin de soi, aussi bien physiquement que mentalement. J’affronte ces défis en gardant l’esprit ouvert, en m’immergeant dans mon environnement et en me faisant des amis avec qui partager ces expériences.


Le monde humanitaire évolue rapidement. Avec les récents changements mondiaux, nous constatons que le modèle traditionnel de l’aide n’est pas durable. Je crois en la localisation et la contextualisation de l’aide. Les communautés doivent avoir plus de pouvoir et jouer un rôle principal. Dans les situations d’urgence impliquant des réfugiés ou des personnes déplacées, par exemple, les communautés hôtes doivent être davantage impliquées dans les projets d’assistance. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est possible.

Dans l’ensemble, c’est un domaine que je recommanderais aux jeunes femmes passionnées par le travail avec les communautés et prêtes à parfois vivre dans des environnements difficiles. C’est une carrière qui forge la résilience, la compassion et une meilleure compréhension des défis de notre monde.

Par

Rimgoto Lucie
Mianoudji Apoline
Ndjerareou Deborah

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