Tchad : Au-delà des défis : une jeunesse résiliente s’invente 

Cet article a été rédigé par un lauréat du concours d’écriture organisé conjointement par We Write Afrika et l’Association des Blogueurs du Tchad en 2025.

Fermé les yeux un instant et contempler le Tchad. Quelles images apparaissent soudain dans votre  esprit ? Pour beaucoup des Tchadiens de la diaspora ou de ceux qui ont visité le Tchad, il n’y a que le défi, la germe de la guerre, la pauvreté, la sécheresse, la famine et le manque de vision. Un narratif  unique, attribué à plusieurs pays en voie de développement, qui met dans l’oubli total le vécu. Mais  si vous ouvrez les yeux, les vrais yeux, les yeux de l’âme et du cœur, vous verrez un tout autre 

Tchad. Vous entendrez le battement sourd et puissant d’un Tchad qui s’invente par sa jeunesse, un  Tchad qui résiste, qui innove, qui espère et qui avance. C’est ce Tchad-là, le mien, que je veux vous  faire découvrir. Loin d’un conte de fées, le récit authentique d’une résilience qui pulse au  quotidien. 

Ce qui va bien au Tchad, et l’on n’en parle pas assez, c’est notre sens inébranlable de l’humain. Dans un monde où l’individualisme prend de la place, les Tchadiens gardent jalousement une philosophie et une valeur : celles de la solidarité et de l’entraide. Ici, un inconnu vous salue, vous demande de vos  nouvelles. Ici, une difficulté personnelle devient rapidement l’affaire de tout un quartier, d’un  village qui se mobilise pour trouver une solution. Cette chaleur humaine, ce filet social tissé serré, est notre première innovation, notre bouclier le plus efficace contre l’adversité. C’est cette force qui  transforme les défis en énergie collective. C’est elle qui pousse une voisine à partager son repas avec les autres qui sont en situation de précarité, une famille même pauvre à partager son dernier  koro de mil à une autre qui vit dans la précarité. C’est qui motive un jeune à prendre en charge la  scolarité d’un enfant qui n’est pas le sien, une communauté à se cotiser pour soigner l’un des siens.  Cette économie du don et du contre-don est notre trésor national invisible, mais ô combien tangible. 

Regardez autour de vous, dans les rues de N’Djamena, de Moundou, d’Abéché, de Faya. Vous  verrez l’ingéniosité à l’état pur. Des jeunes qui, face au chômage de masse, n’ont pas attendu que la  solution vienne d’ailleurs. Ils créent. Ils innovent. Des commerces informels qui se développent pour s’occuper de la nourriture de toute une famille, à payer les frais médicaux des parents âgés.  En plus, les agriculteurs, des femmes et des enfants qui transforment des produits locaux en délices  vendus jusqu’à l’étranger, des artisans qui subliment le cuir, l’argile ou le bronze en œuvres d’art  recherchées.

Je pense à ces ingénieurs qui mémorisent les plans, apportent des solutions solaires pour pallier  l’insuffisance d’électricité dans un pays où la température maximum peut atteindre 45°C à l’ombre.  Je pense à ces femmes leaders des associations et ces blogueurs qui racontent avec fierté leur histoire pour inspirer les autres. Cette frénésie entrepreneuriale est un message criant d’espoir : elle  dit « Réussir Bé-gou » attribué à Djerassem Edgar, « M’Boigne » de l’artiste Maoudowé Celestin qui pousse à prendre notre destin en main. Nous ne sommes pas des spectateurs de notre propre  vie. Chaque petit commerce qui ouvre, chaque projet qui naît dans un féerique, est une victoire  contre le fatalisme. C’est la preuve que le sol tchadien, pourtant aride, est extrêmement fertile pour  les idées. 

À ma génération, à mes frères et sœurs qui parfois doutent, qui sont tentés par l’exil ou par le  découragement, j’ai un message simple : notre plus grande bataille est celle d’écrire nos propres récits. 

On ne nous a pas appris à nous célébrer. On nous a appris à nous plaindre ou à nous taire. Il est  temps de changer de disque. Notre héritage n’est pas seulement fait de crises ; il est fait des  royaumes sahéliens, de la bravoure de nos ancêtres, de la beauté rude du Sahara et de la  luxuriance du Sud. Notre présent est fait de ces milliers de héros anonymes qui se lèvent chaque  matin pour faire tourner ce pays. 

Notre devoir est de devenir des archéologues de l’espoir. Allons déterrer les réussites de nos  géants Sao, ces initiatives positives, ces actes de bravoure quotidiens de nos agriculteurs et  éleveurs nomades. Utilisons nos smartphones, nos plumes, notre art pour les amplifier. Nous  avons les outils. Nous avons une histoire à raconter.  

Comme toutes les nations, le Tchad n’est pas un pays parfait. Il traverse des turbulences. Mais il  est vivant, d’une vie ardente et passionnante. Son cœur bat au rythme de la solidarité et  l’hospitalité de son peuple, de la créativité de sa jeunesse et de la beauté silencieuse de ses reliefs  et paysages. C’est la fierté de contribuer, à ma modeste échelle, à cette symphonie en devenir. Le  récit du Tchad est en train de s’écrire, et nous en sommes les auteurs principaux. Écrivons-le avec  audace, avec amour, et avec l’espoir chevillé à l’âme. Notre histoire est bien plus grande qu’on ne  le pense.

Djelassem Christian 

Titulaire d’un diplôme en Philosophie de l’Université de Moundou, Djelassem Christian est co-fondateur du Centre de Développement et de la Promotion de la Femme et Chargé de programme et de formation à la Maison d’Assistance aux Victimes de Violences Intimes. Engagé pour la justice sociale, l’équité et l’inclusion, il consacre son énergie à soutenir les communautés et à promouvoir un changement positif. Son ambition : devenir un blogueur influent pour éduquer, amplifier les voix citoyennes et lutter contre la désinformation

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